ETATEMENT

Du travail d’Alexandre Giroux, on peut dire qu’il cherche à produire des objets «indécidables»¹. Que ce soit avec une maquette fabriquée à partir d’une image ou un revêtement de sol obtenu d’une vue aérienne, une galerie de voiture qui devient une galerie d’art ou un journal entièrement recopié à la main, la nature comme le statut de ces objets reste en suspens. Leurs qualités, même contradictoires, ne s’excluent pas mais se superposent.
C’est aussi le cas de la série montrée à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Les dépôts sont des œuvres d’art que Giroux a vues lors d’expositions visitées ... en rêve. Sa collection s’élève aujourd’hui à une dizaine de pièces existant sous forme de papiers griffonnés à la hâte au réveil. Ce qui n’est pas noté précisément est laissé libre à l’interprétation. Ainsi chaque nouvelle exposition devient une matérialisation différente de la pièce rêvée permettant à l’artiste (au dépositaire?) de jouer du contexte, du lieu. Un aspect indéfiniment transitoire.
Autre point important, chaque œuvre est attibuée au sein du rêve à un artiste. Citons par exemple Christopher Wool, Farah Atassi, Emilie Perotto ou encore Gerwald Rockenschaub. Des artistes aux productions très différentes les uns des autres et selon les cas aux production très différentes de ce qu’en a rêvé Giroux. L’indécidabilité se situe ici sur le sujet créateur auquel nous a habitué la tradition culturelle occidentale. Alexandre Giroux, dans sa volonté de dépersonnaliser sa pratique sans toutefois renoncer à son corps en tant que conducteur, fait état d’un monde dont les découpages conceptuels ont disparu. Ou peut-être ne sont-ils pas encore apparu.

 Manuel Fabre

 ¹ C’est ainsi que lui-même les qualifie. L’indécidabilité est la propriété d'une théorie dans laquelle il n'existe pas de procédé effectif permettant de décider, pour toute formule, si elle est ou non démontrable.